«
Joe, BOUGE. TON. CUL. » Je me lève. Mon frère m’attend à la porte de ma chambre, habillé. «
Tu sais, je suis pas sûr que ce soit une si bonne idée que ça ». Il soupire. «
Tu vas pas me faire la même scène A CHAQUE FOIS qu’on sort quand même ? C’est genre la quatrième fois qu’on le fait tout c’est toujours super bien passé, habille toi ou je pars sans toi. Et tu ne veux pas que je devienne le mec le plus cool du lycée pendant que tu restes le gentil fils à papamaman ». Je secoue la tête et me dirige vers mon armoire. En fait, j’en ai pas grand-chose à faire de ce que pensent les autres. Je sais très bien que Flynn et moi ne sommes pas si différents et je sais aussi parfaitement qu’il ne laisserait personne m’embêter. Mais il faut admettre que les dernières fois qu’on est sortis c’était assez rigolo. Les gens qu’on a rencontré sont plutôt sympas, je me suis pris ma première cuite, j’ai fumé mes premières cigarettes. C’était pas si mal. C’était même plutôt génial. Mais je continue à me demander ce qu’il se passera si on se fait cramer par les parents un jour. Ou par n’importe qui d’ailleurs. Deux jeunes sparks côté carefree avec un whisky à la main, ça risquerait de faire du bruit. Et pas dans le bon sens du terme. Du tout. J’attrape un jean et un t shirt, trouve une paire de basket et prends une fin de paquet de chips dans un tiroir pour me donner du courage. «
Ok, on y va ! Mais pas de bruit sur les graviers ce coup-ci hein ! » Il lève les yeux au ciel. «
Please Joey, tu vas pas m’apprendre à faire le mur » «
Nan, mais une leçon d’humilité un de ces quatre, peut-être ! » Il me jette un regard noir. «
Très marrant, très marrant, on peut y aller maintenant ? ». Je prends une grande inspiration. «
Ouais. »
★★★
«
Monsieur Whitemore ? » «
Hm ? » Je lève la tête et ouvre les yeux. Flynn m’a forcé à sortir hier soir (encore) et c’est un tout petit peu difficile à assumer ce matin. «
Comment se passe votre sieste ? » Je réprime un bâillement et baisse les yeux sans répondre, honteux. J’ai toujours été du genre bon élève et c’est pourtant la cinquième fois que mon prof de litté me réveille en deux mois. Contre zéro pendant les deux années précédentes. «
Monsieur Whitemore, peut-être savez-vous tout ce qu’il y a à savoir sur Hamlet. Si c’est le cas, nous serons ravis de vous écouter pendant que vous nous exposez vos connaissances. » Je continue à fixer mon cahier sans rien dire. «
Hm… C’est bien ce que je me disais. Vous pouvez prendre vos affaires et sortir, monsieur Whitemore. » Je relève les yeux d’un seul coup. Quoi ? Il me vire ? Il a le droit de faire ça ? Vraiment ? « M
onsieur, non, s’il vous plait, je vous promets que ça ne se reproduira pas… » Silence dans la classe. «
Soit. Mais la prochaine fois, ce sera chez le proviseur, illico presto, compris ? » Je hoche vigoureusement la tête. « Oui monsieur, bien monsieur. » Il retourne à son bureau et continue sa litanie sans intérêt sur Shakespeare. Je sors mon portable et envoie rapidement un sms à Flynn : «
Mec, j’ai failli me faire renvoyer de litté, je te laisse imaginer la gueule qu’aurait tiré maman, on sort plus cette semaine ! » Je range mon téléphone dans ma poche et tente de me concentrer sur ma prise de notes. Quelques minutes plus tard, je sens ma poche vibrer. «
C'est les risques du métier, bien sûr que si on sort, trouve toi un thermos de café. »
★★★
«
Et donc si la fonction de f(x) est… Oh putain ça veut rien dire. » Je bâille et avale une immense gorgée de café. Je plisse les yeux et tente de comprendre ma leçon de maths. Le rythme des soirées auxquelles Flynn m’emmène s’est un peu calmé, maintenant on sort plus qu’avec les mêmes gens en général, c’est plutôt cool. Mais ça reste super galère pour les cours. Et il est absolument hors de question que je devienne un déchet scolaire. J’ai un tant soit peu de quant à moi. J’entends quelques coups frappés à la porte. «
Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ? » Ma mère entre. Je soupire. Elle ne prend JAMAIS la peine de monter jusqu’à ma chambre, au deuxième étage. Cela veut dire que j’ai fait une connerie (et j’en ai assez fait pour que ça m’inquiète). Ou alors qu’elle a quelque chose à me demander. Et vu le sale sourire qu’il y a sur sa tête je penche pour la seconde option. «
Qu’est-ce que tu veux ? » Je reçois une petite claque sur l’arrière du crâne. «
Joey, tu ne me parles pas comme ça ! Compris ? » Je lève les yeux au ciel. «
Oui maman. » Elle semble satisfaite. «
Bien. Flynn est à la bibliothèque donc tu lui feras passer ce que je vais te dire ! Et je tiens à préciser que ce n’est pas une proposition mais un ordre. Votre père et moi pensons que vous n’avez pas compris, ni l’un ni l’autre, la vraie importance de la foi catholique, de la croyance en général et… » Je soupire. «
Maman arrête la théologie va, ça n’a aucun sens ce que tu dis, on ira à l’église dimanche si ça t’amuse, est-ce que je peux faire autre chose maintenant ? » Elle plisse les yeux. «
Diner à 20h, ne sois pas en retard. »
★★★
«
Joey, ouvre, c’est moi !!!! » Je pousse ma couette, déverrouille ma porte et retourne dans mon lit. Flynn allume la lumière. Je plisse les yeux. «
Eteins putain, tu me soules là ! » Il m’obéit, une fois n’est pas coutume et s’assoit dans mon fauteuil. «
Tiens attrape ça » Il me lance trois babybels que j’attrape au vol. «
Et maintenant, raconte. » «
Y a rien à raconter. » Je reçois un stylo dans le nez. «
A chaque fois que tu mens je te lance un truc un peu plus lourd jusqu’à ce que tu répondes et y a Harry Potter 5 à vingt centimètres de ma main gauche. Réponds. » Je soupire. «
Putain, tu fais chier. Y a rien d’intéressant à raconter. J’ai couché avec Chucky, ça voulait certainement rien dire pour elle mais je pense plus qu’à elle depuis. Genre. Vraiment. A elle et à rien d’autre. Donc je me suis dit qu’aller chanter sous ses fenêtres était une bonne idée. Et oui, j’ai chanté One Less Lonely Girl, ta gueule. Et je sais pas si elle m’a entendu mais en attendant je préfère ‘avoir la grippe’, j’ai trop honte. Du coup j’ai mes journées pour penser à elle. Et élaborer des plans pour qu’elle soit ma copine. Ce qui est super creepy. Donc voilà, content ? » Il ne me répond pas tout de suite. «
Bah… Oui, je suppose que je suis content que tu aies perdu ta virginité, ça te fait ça de moins à faire dans la vie. Mais mec. Justin Bieber, sous ses fenêtres, vraiment ? » «
Ta gueule, dégage, tu m’aides pas. » Je me cache sous ma couette et retiens mes larmes comme je peux. Je n’ai jamais eu autant honte de ma vie que seul, sous cette fenêtre. Jamais. Et je ne me suis jamais senti aussi seul que depuis ce jour-là aussi. «
Ta gueule boulet, fais-moi de la place dans ton lit, je vais te raconter des blagues dégueus jusqu’à ce que les parents dorment et après on sort, juste tous les deux, ok ? » Je secoue la tête. C’est le pire plan dont j’ai jamais entendu parler mais ai-je d’autres choix ? «
Ok. »
★★★
Premier jour de lycée après ma « grippe ». Je ne sais toujours pas comment j’ai réussi à faire croire à tout le monde (aka mes parents, l’administration lycéenne et le docteur) que ma maladie a duré dix jours mais je suis super fier de moi. Je ne vais pas mieux cela dit. J’ai eu beaucoup trop de temps seul avec moi-même pour réfléchir. Et faire une liste des qualités et des défauts de Chucky. Je n’ai écrit que la deuxième. La première était trop longue. Je suis beaucoup trop ridicule. Mon dieu. Pathétique. Ça doit être ça le bon mot pour me définir. Pour une fois, j’aimerais être Flynn et pouvoir n’en avoir strictement rien à foutre. Epic fail. Je rase les murs pour éviter Chucky qui dieu merci n’est pas dans ma classe. Dieu existe peut-être finalement. «
Joeeeeeeeeeeeeeeeeeeeey ? » Je tente d’ignorer cette voix familière. Je rectifie. Dieu n’existe vraiment, vraiment, vraiment pas. J’entends qu’elle court pour me rattraper. Chucky. Elle pose sa main sur mon épaule. «
Joe ? Pourquoi tu m’ignores ? Et pourquoi tu réponds pas à mes sms ? » Je ferme les yeux une demi seconde pour tenter de penser à autre chose qu’à elle. Chose un peu compliquée lorsqu’elle est en face de moi. «
Euh… Pour rien, pour rien… Je… j’étais trèèèèès malade tu sais, oulalala, ça allait pas du tout, j’ai répondu à personne pendant tout ce temps désolé et euh… aaah tiens, j’avais pas vu l’heure, je crois que… Il faut que j’y aille, j’ai cours… Oui, voilà, j’ai cours ! » J’essaie de fuir mais elle m’attrape le bras. «
Joey, je suis désolée on aurait pas dû, je pensais pas que c’était comme ça que tu verrais les choses, désolée… Mais on peut toujours être copains, non ? » Je soupire. Super. Je suis friendzoned. J’aime beaucoup. Je me concentre et réussit à sourire. «
Oui, bien sûr, c’est moi qui suis désolé, je réagis comme un gosse, je t’appelle bientôt ok ? » Je m’éloigne le plus vite possible et cours vers les toilettes les plus proches. Je m’enferme et pleure. Ridicule. Pathétique. Mais pas vraiment, vraiment contrôlable.
★★★
«
Joey ? » «
Hm ? » Nous sommes en vacances d’été chez nos grands-parents, dans le sud de l’Angleterre. Je suis sur un transat tranquille au soleil et lis un livre absolument absurde sur deux enfants qui tombent dans le pays des contes de fées. Un truc écrit par un certain Chris Colfer, inconnu de dieu et des hommes. «
Dis, j’ai l’impression que ça va mieux avec Chucky depuis un moment… » J’enlève mes écouteurs de mes oreilles. «
Mieux ? Dude, je vois pas ce qu’il y a de mieux. Je suis friendzoned à mort, je lui fais des câlins et je l’écoute se plaindre de certains mecs tout en étant prêt à donner quatorze bras et vingt-neuf jambes pour pouvoir être avec elle. Je vois pas ce que ça a de bien. Je vois pas ce que ça pourrait avoir de bien un jour. Je l’adore et je la préfère en amie qu’en rien du tout. Mais je meurs. Alors non, ça ne va pas mieux. » Je repose ma tête sur mon transat et remets mes écouteurs. Flynn n’insiste pas. C’est vrai que mon obsession pour Chucky (je refuse d’appeler ça de l’amour quand je me parle à moi-même, ça me fait trop de mal à chaque fos) dure depuis un petit bout de temps déjà. Et elle ne faiblit pas. Loin de là. Et pourtant, qu’est-ce que j’aimerais la voir comme une pote comme avant. Je donnerais beaucoup pour ça. Mais tout continuer à me faire penser à elle. Flynn, puisqu’il porte aujourd’hui un pull qu’elle lui a emprunté il y a quelques mois. Les fleurs parce que ça me rappelle la couleur de sa peau. Ewww. Je m’auto dégoûte, je ne peux même plus m’écouter penser. Ça me fait beaucoup trop de mal.