J’ai le cœur qui bat à mille à l’heure dans ma poitrine alors que je fais encore le mur pour aller me défoncer dans le parc. C’est un endroit où je me sens bien quand il est presque minuit parce que jamais personne ne vient me les briser parce que je suis complètement high. En journée j’essaye d’éviter la population comme ça je peux faire mon truc dans mon coin. Ou alors je traine avec des gens qui savent que je suis 20heures sur 24 défoncé. Ça m’évite d’avoir à expliquer pourquoi je souris comme une grosse débile ou pourquoi j’ai l’impression de voir des trucs qui ne sont pas là. Alors que je m’enjaille en solo sur le tourniquet qui me fait voir les choses différemment je traine sur facebook via mon téléphone. Et là je tombe sur le truc le plus drôle de la tête : Stay en mode niais devant Lana. S’ensuit une conversation typique des gamins que nous devenons lorsque nous sommes ensemble : l’éternel mais si, mais non vers tu lui roules ou pelle ou pas ! Ahah quel abruti ce gosse. Il est amoureux et ça me chamboule complètement de voir cet énergumène qui se tape tout ce qui bouge amoureux. Bon, il ne l’a pas avoué. Mais je vais lui faire cracher le morceau quand il sera là et quand il sera complètement défoncé. Ça va être du gâteau ! Ce qui est bien avec Stay c’est qu’il s’en fou si je me mets à rire comme une hystérique pour rien parce qu’il comprend que c’est parce que je ne suis pas dans mon état normal – bien que mon état normal soit techniquement celui où je suis défoncée mais peu importe – et qu’il s’en fou. Complètement. Au contraire, il serait plutôt du genre à se mettre à rire comme une hyène avec moi et je crois que ça me plait ! C’est facile de trainer avec lui.

Je l’observe quand il arrive. Assis sur son banc alors qu’il me cherche du regard. Il abandonne. Un peu vite, mais je ne peux pas lui en vouloir. Un sourire se dessine sur mes lèvres et je me faufile derrière lui, dans l’ombre alors que je lis son sms. Puis je ricane comme une enfant dans son oreille. « T’as quoi ? » La question est simple, sans détour. Il est là pour s’amuser et ça me va. Je sors mon petit sachet de poudre de ma poche et trace une ligne bien nette. « Amphétamines. Désolé, je suis trop pauvre pour me payer de la coke. » En fait, la plupart du temps, c’est Tate qui achète, moi j’ai pas de travail et j’essaye de pas trop vivre sur les économies de mes parents. Mais pour les amphets’ je me débrouille toujours pour les payer seule sinon je lui mets trop la puce à l’oreille et il m’engueule. Je me penche, place mon visage et j’inspire un grand coup. C’est immédiat : les couleurs danse, les nuances n’existent plus, tout est électrique. « Enjoy Stay ! » Je me glisse près de lui sur le banc, met un peu de musique et je pose ma tête sur ses jambes. Sans ambigüité. Je suis trop défoncée pour ça.

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Ce gosse a vraiment la bougeotte ! Ce n’est pas croyable. A peine je suis installée sur ses jambes que le voila repartie à gambader en riant comme un hystérique, comme si sa vie dépendait des décibels qu’il pouvait produire en riant. Mais le pire c’est que ça me fait moi-même rire aux éclats. Le sien résonne dans mes oreilles et il se transforme en grosse tâche de couleur virevoltante dans ma tête. C’est comme si son rire dansait sous mes yeux. J’adore cette sensation. Chaque son se transforme en forme et en couleur. La vie n’a plus le même goût quand on est sous amphétamines. Je ferme les yeux mais les couleurs dansent trop fort alors ça me donne la nausée. Je préfère les rouvrir et je les plisse un peu pour chercher Stay vu que monsieur s’est tiré. « Hevanasticot » Je grogne parce que je déteste ce surnom. Et Hevananas aussi. Mais c'est Stay, je pourrais lui dire un milliard de fois, personne ne s'en foutra plus que lui ! Je tourne la tête, trop vite, je perd l’équilibre et me retrouve sur les genoux. Ils rencontrent le macadam avec un drôle de bruit de déchirure. Je crois que je viens de niquer mon jeans. Tant pis. Je frotte un peu mes genoux, j’ai du sang sur les doigts mais je m’en contrefiche, mais alors, royalement, j’essuie rapidement mes paumes sur mes cuisses et je file vers l’endroit où se trouve Stay et je manque de me prendre les pieds dans son corps étalé par terre. Non mais quel gueux celui là. Je me laisse tomber près de lui en souriant et je lève les mains en l’air, comme pour pousser le ciel. Je ris à m’en casser les cordes vocales, je suis à l’autre bout du monde.

Ça me fait penser que je me défonce alors que demain, Kiara et moi on prend l’avion pour partir en Inde. Et ça, ça va être complètement le pied. Ça m’embête juste un peu de quitter Tate, j’ai peur qu’il lui arrive un truc. Mais je suppose que Woody va le surveiller, je lui fais confiance pour ça. Mais quitter Stay me fait un peu de peine aussi, parce qu’il n’a pas l’air dans son état normal ces derniers jours, comme si quelque chose avait changé chez lui. Et je me demande quel genre de personne cette gamine fait de lui. S’il n’est plus le connard sans cœur que l’on connait par cœur : qui est-il ? « Bon, tu vas me parler de Lana ou pas ? » Parce que j’ai pas vraiment envie de me retrouver obligé de lui sortir les vers du nez en lui posant des milliards de question. J’ai l’impression que les mots ne sortent pas dans le bon sens de ma bouche. Mais les amphétamines accroissent ma capacité de concentration, du coup, Stay a absolument toute mon attention. Le seul problème, c’est que je ne suis pas sûr d’avoir une solution pour les siens !

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