Il neigeait lorsque Jack Park Min est venu au monde. Une neige fine et agaçante, de celle qui fond sur votre peau et imprègne vos vêtements. À l'intérieur, la famille s'attroupait autour de Léana Min, qui criait à s'en déchirer les poumons. Il était deux heures du matin, et Jack semblait décidé à réveiller le monde entier afin qu'il vienne célébrer sa naissance.
Les hurlements se répercutaient, rebondissaient sur les murs de l’hôpital, en faisaient trembler les cachots. Une tête brun sortie. Brun, mais poisseuse et couverte de sang. Ce fut à son tour de s'éclater les poumons, l'air rentrait dans son petit corps mou. Le bambin n'ouvrait pas les yeux, et tout le monde se pressait pour en voir la couleur. L'enfant ne percevait que des sons et des lumières rouges sang.
Ses mains minuscules se démenaient dans les méandres des couvertures, s'entremêlaient avec les tissus rugueux. Il se joignait doucement aux désordres humains, et se plaisait dans ce fouillis de sensations et de chaos. Il pleurait, beaucoup, parce que le bruit autour de lui semblait insoutenable, que les paroles obséquieuses et les cris de joies lui vrillaient les tympans.
Il pleurait beaucoup, et tant mieux, parce que c'est sa première et dernière fois. Parce que chez les Min on ne pleure pas, on est froid, glacé, fermé. Parce que pleurer c'est avouer une faiblesse, c'est donner se donner en spectacle, c'est honteux, mal-vu, interdit. Il crie aussi, car crier c'est pour les faibles, c'est pour ceux qui n'ont pas assez de mots pour s'exprimer, qui ne sont pas assez intelligents pour formuler leurs idées, pas assez persuasifs pour soulever une foule.
Jack se prépare à sa vie comme si il se préparait à vivre une longue mort. Il rempli ses poumons de bonheur parce qu'il sait qu'après, il aurait plus le droit d'y toucher. Il sera élevé afin d'être parfait, du maintien jusqu'à la diction. Il croque un peu au fruit défendu, parce qu'il sait qu'il ne pourra même pas le sentir, le toucher. Il vit un peu, parce qu'il sait qu'il mourra dès qu'on lui enfilera son premier pull en laine.
Jack ouvre les yeux. Non, ils ne sont pas beaux, deux perles noires délavés qui vous fixent, vous transpercent, vous accusent, vous broient. La glace s'installe, grise et rancunière. Il s'infiltre dans le corps, ronge et brûle, les joyaux prennent vie, appliquent une marque au fer rouge. Son sceau de feu étouffe, s'incruste dans la chaire. Un silence rouge s'installe dans la pièce.
A l’âge de 8 ans, La salle est vide, sa joie fait écho. Une longue rampe parcourt le mur, et les miroirs de chaque côté agrandissent les lieux. Jack s'observe, face à la glace, et son reflet rebondit. Son image est multiplié, et son geste répété à l'infini. Il lève la jambe, en hésitant, il fait preuve d'aucune souplesse. Il est le meilleur dans aucune matière, il sourit.
Il y a une telle assurance, un tel aplomb, le professeur ne dit rien, il observe ce corps très suspect. Il tournoi, il est si perturbé, si déconcentré, il ne ressemble pas aux autres enfants, il le sait, il s'en réjouie quand même. En tous cas je peux dire qu’il n’est pas la fierté de sa famille, ce petit corps qu'ils chérissent quand même malgré les mauvaises notes qu’il a…