it all started like this
vingt-sept décembre, quelques jours après noël. la voilà au monde, la petite alys lune. elle est née à paris, lors d'un voyage d'affaires de ses parents. sa mère est ravie: elle va enfin pouvoir retourner travailler. cette grossesse était rien qu'un empêchement, quelque chose de gênant. son père était moins content: il devait rester avec l'enfant à partir de maintenant. pas de banque, pas de clients, seulement lui et sa petite fille. ils retournaient dans quelques jours à londres où les attendait une toute nouvelle chambre blanche avec un petit lit pour leur progéniture. dès que celle-ci atteignit ses trois mois, ils trouvèrent une gouvernante qui allait habiter dans leur maison, pour s'occuper d'alys lune tous les jours. la dame était gentille, elle avait de la peine pour le pauvre bébé. ses parents s'en fichaient d'elle. ils lui achetaient des habits, payaient sa crèche, payaient la gouvernante, les médicaments quand l'enfant était malade. il n'y avait pas d'inquiétude dans leurs voix quand ils rentraient, pas de «
est-ce qu'elle va mieux? elle a toujours de la fièvre? » non. c'était plutôt «
elle est encore malade? écrivez les médicaments nécessaires, je les achèterai demain. » ça s'arrêtait là.
une fois l'âge d'aller à l'école, ils donnèrent deux-cents pounds à la gouvernante pour lui acheter le matériel et les vêtements nécessaires. cette dame, cette gentille dame, s'appelait anika. elle était polonaise. elle avait un petit accent qu'alys lune adorait. elle restait dans la chambre de la petite jusqu'à ce que celle-ci s'endorme, lui chantait des chansons quand elle n'avait pas sommeil, lui racontait des histoires drôles quand elle faisait des cauchemars. alys lune n'aimait pas ses parents. comment pouvait-elle? elle ne les connaissaient même pas. ils sont venus à la cérémonie de son passage entre le primaire et le collège, sont partis en vacances avec elle deux fois dans toute sa vie, l'ont emmené une fois à un anniversaire. l'enfant s'y était habituée. elle savait qu'ils n'auront jamais le temps alors elle arrêta ses essais de se faire remarquer en ayant de bonnes notes. elle ne leur disait plus bonjour, ne leur demandait pas comment ils allaient, ne faisait pas attention à eux.
since you been gone
voilà ses quinze ans. ses parents lui offrirent une carte bancaire, elle pouvait l'utiliser à volonté du moment qu'elle ne leur demandai pas d'argent de poche. son premier achat fut un rendez-vous chez le coiffeur. elle voulait une nouvelle coupe, de nouveaux cheveux, une nouvelle couleur. «
blond platine s'il-vous-plaît. » anika lui avait bien appris. s'il-vous-plaît quand tu veux ou demande quelque chose, merci quand on te répond ou te donne quelque chose, bonjour quand tu rencontres quelqu'un, au revoir quand tu le quittes; bien merci, et vous quand on te demande comment tu vas, pardon quand tu n'as pas bien entendu. le coiffeur tira une tête étrange. il demanda si elle avait l'accord de ses parents. elle répondit que oui bien sur. au final il s'en fichait: il sera payé alors autant le faire. au bout d'une heure, alys lune n'était plus la même. cette coiffure la rendait plus âgée, plus mature, plus indépendante. elle donna sa carte, tapa le code et rentra chez elle pour retrouver sa gouvernante allongée par terre, tentant de respirer correctement.
alys lune appela une ambulance, celle-ci arriva au bout de sept minutes et vingt-six secondes. l'adolescente les a compté. les deux, patiente et sa famille, furent emmenées dans l'hôpital le plus proche. les médecins demandèrent à ce qu'elle reste dehors mais elle ne pouvait pas abandonner sa seule famille. quarante minutes et cinquante-neuf secondes plus tard, un des médecins lui annonça qu'anika soufrait de fibrose kystique. il ne lui restait que quelques semaines à vivre. les docteurs ne comprenaient pas comment elle a vécu si longtemps; quarante-huit ans avec la fibrose était énorme, incroyable. une fois éveillée, la polonaise confia à alys lune que c'est elle qui lui donnait les forces de vivre. la gouvernante passa les deux prochaines semaines à l'hôpital; l'adolescente n'alla pas à l'école, elle restait couchée près de la dame tous les jours. ses parents appelèrent deux ou trois fois. c'était pour demander si anika aura besoin de son payement du mois. la maintenant fausse blonde raccrochait le téléphone sans leur donner de réponse. seize jours après avoir été admise aux urgences, la polonaise mourra. alys lune ne pleura pas. elle voulait pourtant, elle voulait pleurer toutes les larmes de son corps. mais rien n'y sortit. vingt-quatre heures plus tard elle rentra chez elle. ses parents travaillaient, son père à la banque, sa mère était chez des clients. l'adolescente monta dans sa chambre, imprima les cours qu'elle avait manqué pendant ces deux semaines et fit ses devoirs.
did you do this to me?
voilà huit mois et douze jours qu'anika était morte, enterrée dans un petit cimetière à
londres. alys lune arrêta de fréquenter ses amis. elle sortait seule, lisait des livres, regardait des films, mangeait tout ce qui se trouvait dans son frigo. souvent même elle commandait des pizzas ou du chinois. comme les américains. lors de ses gcse, ces foutus examens, elle était assise à côté d'un jeune garçon, son âge évidemment. enfin, à coté est un grand mot étant donné le mètre qui séparait leurs tables. il lui sourit avant le départ. sans vouloir, elle lui sourit en retour. quelques heures plus tard, la première épreuve était finie. son voisin se leva en même temps qu'elle, il lui sourit à nouveau. «
maxim. » «
pardon? » «
je m'appelle maxim. » elle ne lui dit pas son prénom, pris sa trousse, son sac et rentra chez elle.
le lendemain après-midi avait lieu son épreuve d'anglais. ils avaient deux heures et demies pour faire trois rédactions. maxim, grand, brun, était assis à côté d'elle pour la deuxième fois. tout au long de l'examen il lui lançait des regards mignons, comme pour attirer son attention. elle fit son possible pour l'ignorer. lorsque le professeur se leva pour ramasser leurs copies, le garçon lui chuchota. «
ton prénom? » elle hocha un sourcil. «
pardon? » «
ton prénom? c'est quoi? » elle détourna le regard. «
pourquoi je devrai te le dire? » il n'avait pas l'air vexé. au contraire, ça l'amusait. «
parce que je te l'ai demandé poliment. et parce que c'est malpoli de ne répondre quand on te pose une question. » trop de politesse, beaucoup trop. la politesse lui rappelait anika. il fallait qu'elle parte rapidement. «
alys lune. » et elle rentra chez elle.
il n'était pas à côté d'elle le jour prochain. elle s'avoua à contrecoeur qu'elle aurait voulu qu'il soit là. à la fin de la troisième épreuve, elle le chercha du regard. il n'était nulle part. elle se retint de demander au professeur où il était. le week-end vint, lundi était l'avant dernier jour des gcse. en s'installant, alys lune vit ce garçon qui lui avait fait dire son prénom. «
je t'ai manqué? » elle ne répondit pas. elle voulait lui demander pourquoi il n'était pas là mais se retint une nouvelle fois. «
mes parents ont décidé de m'emmener à la campagne. » elle se tourna brusquement vers lui. «
tes parents t'ont laissé rater les gcse pour visiter des vaches?! » il sourit. «
pourquoi tu réponds? » elle ne savait pas quoi dire. comment ça? «
je pensais que tu n'aimais pas me parler. alys lune » elle regarda son crayon posé sur la table d'école. il l'appelait par ses deux prénoms. «
j'ai jamais dit ça. » elle fit une pause, ne sachant pas si elle devait continuer ou non. «
tu n'as pas répondu à ma question. » il prit quelques secondes pour réfléchir. «
on n'a pas de vaches. que des porcelets. » leur conversation fut coupée par le professeur: «
commencez. »
your eyes, irresistible.
les vacances d'été sont finies; le mauvais temps reprend au plein centre de londres. ils couraient, main dans la main, essayant de fuir la pluie. elle se tordait de rire, avait du mal à se déplacer rapidement. «
aller, vite on va finir trempés! » il essaya de dire, le souffle court; elle tenta de se ressaisir et accéléra le pas. au bout de cinq minutes de sprint dans les rues mouillés, inondées de la capitale ils arrivèrent devant l'immeuble de maxim. les doigts tremblants de froid il sortit ses clés, ouvrit la porte, et les voilà à l'abris. il enleva en vitesse sa veste et ses chaussures. elle riait toujours, se tenant le ventre. il s'arrêta deux secondes, la regardant faire. elle trouvait toujours quelque chose de drôle. il eut un petit sourire. il l'aida à se débarrasser de son manteau en cuir et de ses converses. ils montèrent à l'étage, elle était plus calme maintenant. il lui tendit un pull et un jogging trop petits pour lui. elle se changea devant, sans recul. il l'observait sans rien dire, tout en mettant un t-shirt épais et des shorts de sport. elle s'assit sur son lit, s'allongea, et s'endormit au bout de quelques minutes dans les bras de maxim.
elle passa le reste de la journée, et la nuit entière chez lui. ses parents étaient à la campagne, leurs avaient laissé la maison. les parents d'alys lune étaient probablement en voyage d'affaire, elle n'en savait rien en fait. elle s'en fichait aussi. elle était bien ici, dans cette maison, avec cette personne. ils avaient prévus de faire des trucs débiles, jouer aux jeux vidéos, faire de crêpes, regarder des films d'horreur. s'embrasser entre-temps, se câliner, se dire l'un l'autre qu'ils sont beaux. la pâte pour les pancakes était prête. alys lune en avait tout plein les cheveux et le visage. maxim, lui, en avait sur les vêtement et les bras. ils finirent cette mini-guerre de farine par un gros sourire aux lèvres. après avoir commandé de la pizza et manger toutes les crêpes qu'ils avaient préparés, ils jouèrent à assassin creed. elle gagna bien sur. il l'avait laissé faire. ça lui plaisait de la voir si heureuse. elle avait beaucoup changé depuis leur rencontre. elle souriait, riait, parler aux gens. au moment où il entra dans sa vie, la peine qu'elle ressentait envers anika disparu.
you ripped my heart.
quinze mars. deux mois. deux mois et une semaine de retard. elle s'essuyait le front du revers de la main. deux mois et une semaine qu'elle le portait. elle voulait le dire à ses parents. elle n'avait pas raison précise, elle voulait juste leur dire. elle descendit les escaliers, ils étaient là pour une fois, chacun avec des papiers devant. elle commença par le « mère, père... » qu'elle utilisait à chaque fois qu'elle voulait quelque chose. ils tournèrent à peine la tête elle. elle leur dit. elle leur avoua. sa mère posa son stylo et se leva. alys lune pensait qu'elle allait venir vers elle, lui parler. mais elle alla vers la cuisine, se servit un verre d'eau, comme si de rien n'était. son père écrivait toujours. «
c'est de qui? » elle répondit. elle ne dit rien d'autre. ils ne demandèrent rien d'autre. alors elle monta dans sa chambre.
elle se réveilla enfin, elle n'avait plus la notion du temps. la chambre dans laquelle elle était n'était pas la sienne. celle-ci était blanche, avec un placard jaunâtre près de son lit. elle entendit une voix masculine pas très loin. «
alors tu es réveillée. » elle fronça les yeux, qui était-ce? «
je suis le docteur stevens. » avait-elle parlé à voix haute? «
tu dois te demander où tu es. » elle ne réagit pas. «
tu es à l'hôpital saint james. » ce nom lui rappelait vaguement quelque chose. elle avait vu sur internet que c'était un des hôpitaux les plus pauvres de la ville. «
pourquoi est-ce que je suis là? » elle murmura à peine. l'expression de l'homme devint neutre. «
tu as perdu le bébé. » elle dit rien. elle ne le croyait pas. elle voulait voir maxim, maintenant. «
appelez-le. » il ne bougea pas. «
appelez maxim tout de suite! » elle cria. et elle se rendormit.
en se réveillant pour la deuxième fois, elle n'ouvrit pas les yeux. ses parents étaient là, elle le savait. le parfum de jasmin que sa mère utilisait était là. elle ne comprenait pas pourquoi elle se trouvait dans un hôpital si peu réputé. «
l'argent vous sera envoyé dans quelques jours. vous ne pouvez dire à personne. de toute façon, c'est votre parole contre la mienne. je ne pense pas que vous voulez avoir à faire à moi, ai-je raison? » il n'y avait pas de réponse de l'autre personne. elle garda les yeux fermés jusqu'à ce que l'odeur de jasmin se dissipa dans l'air. une infirmière entra dans la chambre. «
comment vas-tu aujourd'hui? » alys lune ne répondit pas. au lieu de ça elle posa une question à son tour. «
j'ai vraiment perdu le... » elle ne voulait pas dire ce mot. il lui semblait interdit. «
tes parents ont payé beaucoup pour que tu ne saches rien. » c'était tout ce qu'elle reçu comme réponse. elle l'avait donc perdu. mais est-ce que quelqu'un lui avait pris ou est-ce qu'elle l'avait perdu d'elle-même?
let him go.
les journées passaient, elle devait rester à l'hôpital. maxim avait disparu de la surface de la terre, il ne répondait pas à ses messages, ni aux appels et ses parents prétendaient ne rien savoir. alys lune ne savait pas si elle devait les croire ou pas. six jours après son premier réveil elle se dit que c'était trop. ses parents, sa mère enfin, vint signer les papiers pour qu'elle rentre chez elle. une fois à la maison, la fausse blonde pris une valise, quelques affaires, des livres, une photo d'elle et anika et prit la route. enfin, elle alla à la gare, cherchant le premier train qui partait. maxim ne voulait pas la voir, c'était certain. alors elle allait partir, loin de londres. ah voilà. brighton. le train partait dans dix minutes. elle fonça à la caisse s'acheter un ticket, et se prépara à une nouvelle vie. elle détestait ses parents. plus que tout le monde, ils la dégoutaient. voilà, le sifflet de départ, elle sentait le moteur démarrer sous ses pieds. elle ferma les yeux, se laissa emporter.
une sonnerie la réveilla. c'était son portable, un message apparemment. elle l'ouvrit tout en clignant des yeux pour enlever le sommeil de son esprit. c'était un numéro inconnu. le message était simple, clair.
tes parents t'ont emmené à l'hôpital. ils ont payé le médecin pour qu'il n'ait pas besoin de ton accord pour l'avortement. c'est tout ce qu'il lui fallu pour avoir la nausée. elle sentait cet envie de tout recracher, comme pour se purifier d'une façon ou d'une autre. mais voilà que la voix dans le train annonçait l'arrivée à destination. elle était dans cette nouvelle ville, dans cette nouvelle ville qui lui proposera un nouveau départ, une nouvelle vie. elle descendit de train avec le reste des passagers. elle prit la première sortie vers la ville et alla dans la première agence immobilière qu'elle trouva. elle y demanda un petit studio, quelques mètres carrés seulement, une vingtaine pas plus, elle n'avait pas besoin de plus. ils lui donnèrent rendez-vous demain pour regarder le studio libre mais elle refusa, disant qu'elle voulait le louer sur le moment. elle préférait ne pas acheter, peut-être elle ne resterai pas dans cette ville plus que ça.
elle alla ensuite à la mairie, donna ses documents pour sa nouvelle habitation. ils étaient étonnés qu'elle n'ait que seize ans. elle leur dit qu'elle était émancipée. elle demanda à s'inscrire au lycée de la ville. c'était son avant dernière année, elle voulait avoir un minimum d'éducation. elle rentra chez elle, son nouveau chez elle, et reçu un message de sa mère.
ton compte en banque sera fermer ce soir à dix-neuf heures. elle avait encore une demie-heure. elle chercha le supermarché le plus proche et acheta le stricte nécessaire de survie. elle avait déjà des habits, une brosse à dent, shampoing, savon, il ne lui fallu que de la nourriture, et de quoi s'occuper. elle en profita aussi pour retirer de l'argent. neuf-cent pounds lui suffiront pour un début. le loyer était trois-cent le mois, et il lui fallait de quoi vivre jusqu'à ce qu'elle trouve du travail.
elle attendit devant la banque. dix-neuf heure et dix minutes. elle essaya d'utiliser la machine.
votre carte n'est pas valide. elle sourit.
salope était le seul mot qui lui vint à l'esprit. elle rentra à nouveau chez elle, des sacs et main, ferma la porte et se mit à reconstruire sa vie.