“ PARTIE I ”
« Trois petites licorneuh, qui avaient des corneuh, elles sautillaient-euh, toutes nues dans les prés-euh. Trois petites licorneuh, qui avaient des corneuh… » « Alors Ray, tu penses que c’est grave ? » Le vieil homme dont la barbe poivre et sel semblait ne pas avoir été rasée depuis deux ou trois jours massa ses tempes douloureuses, songeant au bon bain relaxant qu’il allait devoir prendre pour enlever de son esprit la chanson affreusement… licornéenne que la petite blonde cinq ans chantait depuis déjà deux bonnes heures. Deux heures que sa femme et sa petite fille étaient venues lui rendent visite dans son cabinet, car la petite Charlotte avait été renvoyée chez elle par la maîtresse à force de chanter à tue-tête depuis le début de la journée. Elle était en retrait sur le divan recouvert de cuir, sa peluche licorne galopant joyeusement entre ses doigts sur l’accoudoir, sa voix ne semblant ni se casser, son esprit ne semblant pas se lasser. Ce n’était pas le premier incident de ce genre dans la vie de Charlotte, et ses parents s’inquiétaient, vraiment. Ce n’était pas de l’autisme, ni le syndrome d’Asperger, ni rien de médical d’ailleurs. Cette enfant semblait juste être ailleurs. Dans son propre monde. Mais pour des psychanalystes, cela ne présageait rien de bon. « Charlotte est une enfant… » « Chucky. » La petite voix fluette avait cessé de chanter la chanson horripilante, et la blondinette regardait ses parents avec un grand sourire empli de naïveté. Sa mère se tourna, et haussa un sourcil. « Euh, pardon, chérie ? » Charlotte, enfin Chucky, haussa les épaules, et répondit avant de reporter son attention sur sa licorne : « Je m’appelle Chucky. » la mère se retourna, et dissimula à grand mal un éclat de rire. « Spéciale. » décréta-t-elle, tandis que son mari poussait un soupir rempli à la fois d’exaspération, de lassitude et d’amusement non-feint. « Tu crois qu’elle devrait voir… Enfin, tu penses que John… » Ray secoua la tête en entendant le nom de son collègue, sa migraine reprenant de plus belle. Il ne servirait à rien que Charlotte aille voir le pédiatre. « OH OUI ON VA VOIR JOJO LE PODOLOGUE ! » s’écria folle de joie la petite fille en sautant à pieds joints sur le divan de son père. Elle était déjà allée voir le pédiatre à maintes reprises, mais cela n'avait rien donné.A chaque fois, elle racontait sa vie pendant une heure et s'inventait une vie de princesse lama dirigeant des hordes de poulpes roses dans un palais sous la mer. Elle, elle adorait ça. Son père, psychanalyste de métier, avait fini par laisser tomber. Ce dernier leva les yeux au ciel : « Non Charlotte, nous n’irons pas. » répondit-il, « et il est pédiatre, tu sais. » ajouta-t-il, plus posément. La fillette se laissa retomber comme une grosse bouse sur le canapé « C’est tout pareil, d’abord. »Elle prit une moue boudeuse non crédible à souhait, et elle croisa les bras… Qu’elle décroisa une seconde plus tard pour refaire faire la course infernale à sa licorne sur le divan, reprenant sa chansonnette. Lydia regarda son mari dans les yeux, il les baissa. A voix basse, elle ajouta : « Tu penses qu’il est temps de.. » son mari lui coupa la parole. « Lui en parler ? Oui, j’en suis sûr. » Elle soupira doucement, et les deux adultes regardèrent leur fille avec tendresse et une pointe d’appréhension. Cette dernière, trop occupée avec son jeu, semblait avoir oublié jusqu’à leur existence, elle était trop occupée à faire gambader sa peluche en chantant toujours la même chanson, inlassablement. « Charlotte chérie, nous avons quelque chose à t’annoncer… » Entama le père d’une voix chaleureuse, bienveillante. La blonde leva les yeux vers ses parents et leur sourit, comme toujours. « Vi poupoune ? » sa mère passa une main dans les cheveux de la fillette. « Nous allons déménager, pupuce. En Angleterre. Ce n’est pas si loin, et c’est mieux pour tout le monde. Papa a eu une promotion. » la fillette de cinq ans haussa un sourcil sans comprendre. « Cela veut dire qu’il va gagner plus d’argent. » « Aaaah…» l'espace d'un instant, la fillette prit un air de réflexion intense. « Y’a des licornes à Britonne ? » demanda-elle finalement, les yeux brillants d’espoir. Ses deux parents se regardèrent, partageant un sourire. Ils la connaissaient et savaient qu'elle s'imaginait déjà prendre le deltaplane en direction d'une ville dans les nuages, bordés d'arc en ciel magiques, et qu'une licorne rose barbue viendrait lui remettre les clés de la ville à son arrivée. « Bien sûr chérie. Tu auras une licorne pour toi toute seule, même. » La blonde sauta de joie, et monta sur le dossier du canapé, dans une position de super héros. Une licorne pour elle toute seule ? Il n'en fallait pas beaucoup plus. Elle l’appellerait Ellie et brosserait sa longue crinière tous les soirs. Quoi que cette nouvelle ville puisse être, elle était prêt à quitter Dublin et à partir à l'aventure comme Indiana Jones... Chuckyana Jones plutôt. « A nous BRITOOOOONNE ! » elle fit un bond en l’air, comme les gros de high school musical sur l'affiche du premier film, et tomba inévitablement du divan, la tête la première sur la moquette du cabinet. Ce qui la fit éclater de rire.

“ PARTIE II ”
Bon, j’vous le dis cash, c’était pas Licorneland à Brighton. (Ouais à partir de là j’vais parler à la première personne sur ma fiche parce que c’est le résumé de moi-même par moi-même et c’est plus un narrateur barbu à la voix grave qui parle, c’est ma vie, c’est moi qui raconte nanmého !) C’était plus le lieu de la poubeeelle ! Non sérieux on habitait dans un quartier ben je sais pas, c’était un peu une décharge… Moi j’aimais bien, parce que les papiers de bonbons volaient au vent, ça faisait des papillons ! Puis je trouvais tout le temps des trésors ! Le jour des encombrants c’était trokoule, même que maman m’a grondée quand je suis revenue de l’école avec une valise pleine de « cochonneries » comme elle a dit. Moi c’était trop beau je trouvais mais bon… Maman n’a pas le sens de l’esthétique que voulez-vous ! En fait c’est chelou parce que on vivait côté carefrit, mes parents travaillaient côté s-parc, et puis sinon on squattait coté cruexx pour les courses itout. (bon écoutez c’était ce que je disais à 6 piges pour les côtés de la ville. Sinon y’avait les frites pour Carefree, les Patates crues pour les Crux et les Betteraves pour les Spark, huhu) GENRE TRIVILLAGEOIS POWA ! Moi j’ai jamais compris cette histoire de division. Puis vous savez à part les additions j’suis pas très forte en maths, alors.. Moi je m’en foutais, puis ça me changeait, donc voilà. Un jour, ça a changé toute ma life. On venait dé débarquer à Brighton et on était allés au marché avec mes parents, genre pour acheter des légumes, parce que Maman m’interdisait de manger des bonbons tous les jours. Moi j’aimais pas les légumes, surtout les tomates. J’ai toujours eu une peur bleue (ou devrais-je dire rouge) des tomates, me demandez pas pourquoi, mais ça faisait trop peur, ce fruit rouge, rond, aaaah le mal ! Bon alors on se baladait parmi les étalages, y’avait que des vieux, je devais être la seule enfant, mais moi ça me dérangeait pas. « Oh regarde Maman, des noisettes ? On peut acheter des noisettes Maman ? J’aime bien les noisettes moi tu sais ! C’est très noisettant les noisettes, et puis.. » La dame à qui je tirai la manche se retourna, mais c’était pas ma Maman, c’était une dame qui lui ressemblait vite fait mais une inconnue, et merde. « Pourquoi t’as pris les habits à ma Maman, toi? » J’ai demandé à la dame parce que bon elles étaient quand même habillées pareil… QUELLE ETAIT LA PROBABILITE ? Bon osef des probabilités, je suis nulle en maths anyway (oh je l’ai déjà dit ça). « Tu as perdu ta maman, ma chérie ? » m’a demandé la gentille madame. « Oh ne vous inquiétez pas, je vais la retrouver ! » Je lui ai montré ma peluche licorne que je tenais toujours dans ma main. « Violet a le sens de l’orientatioooon ! » Oui ma peluche s’appelait Violet. Et on ne prononce pas le T. Genre comme la couleur. Ben elle était violette, je l’ai appelée Violet. BREF JE SUIS CHELOU BONSOIR VOUS INQUIETEZ PAS. TOUT VA BIEN. TRALALALA. Où j’en étais ? Ah ouais j’me suis éloignée de la meuf parce que je l’aimais pas, donc euh voilà, j’allais trouver ma Maman ! Alors que je tournai parmi les étalages, UN SUPER GRAND STAND DE TOMATES. LIKE DES TOMATES. PLEIN DE TOMATES. AHNAAAAAAAAAAAAAAAN ! J’ai fait une crise de panique ok, et j’me suis éloignée. « Des… tomates… DES TOMATES AH DES TOMAAAAATES ! » Et j’ai commencé à hurler. Des adultes me regardaient en riant, mais c’était pas drôle en plus, j’étais terrifiée moi ! Un petit garçon se trouvait là, tenant la main de sa mère. Il avait des cheveux de ouf, mais genre DE OUF. La coupe bouclée de l’extrême, j’avais jamais vu ça. Il m’inspirait vachement confiance, alors j’ai couru vers lui et je me suis cachée derrière, narmol. « Protège moi, elles vont me mangeeeeer ! » et je voyais le monde à travers ses cheveux, c’était grave différent, oooh je me sentais en sécurité derrière lui, même si il était un peu plus petit que moi. Bon à 6 piges la taille compte pas. « T’en fais pas, les tomates te tueront pas ! » et il prit une pose en mode Rambo des bacs à sable, j’ai éclaté de rire. « Mon sauveuuuur ! » Il a mis les poings sur ses hanches, comme superman, et m’a tendu la sucette qu’il léchait.. Heuuuu, merci ? Bon je l’ai prise et je l’ai bouffée comme une porc, j’avoue. On est pas réticent quand on est gosse, et tout ce qui est sucré moi j’dis jamais non (y’a pas de double sens là dedans). « Tu vois, tant que t’es avec moi, les méchantes tomates ne pourront rien te faire. » je le regardais avec des yeux brillants. MON HEROS ! « T’ES TROP COOL TOI SOIS MON TOOOOOPAIN ! » et je me jetée à son cou, j’ai toujours été tactile avec les gens, je le suis toujours d’ailleurs. Il a éclaté de rire, un rire de gamin, nous n’étions encore que des gamins. « Content de te rencontrer aussi ! » « Noah ? Tu viens mon chéri ? » Appela une voix de femme non loin de nous. « On se revoit bientôt hein hein dis dis ? » je lui ai demandé, ne le lâchant pas. Maintenant que j’avais un ami, je ne comptais pas l’abandonner de sitôt. Surtout un ami avec des cheveux aussi cool ! « Moi c’est Chucky ! » Et voilà comment tout ce joyeux bordel a commencé.