cool story, bro.

“FIRST PART”
Neuf ans. Neuf putains d’années que mes parents avaient disparus. Et ça recommençait. Ça m’a pris comme ça, sans prévenir. Comme d’habitude. Je savais à quoi m’attendre. J’avais quinze ans et je me sentais comme un retraité abonné aux attaques cardiaques. Mes yeux se sont ouverts. Je me sentais perdu. Comme au milieu d’une masse noire sans fin. Le vide total, le néant. J’ai regardé partout et rien. Toujours rien, encore et toujours. Le noir était partout. J’ai senti mes poumons perdre de leur volume. Insupportable sensation. Mon cœur battait lentement. Très lentement. Trop lentement. Je n’entendais que ça. Mes doigts enfoncés dans les oreilles, je me suis retourné encore et encore. Ce bruit ne voulait pas s’arrêter. J’ai fermé les paupières aussi fort que je le pouvais. Des points. Rien que des points. Le noir leur avait laissé place. Horrible. Ma respiration s’est accélérée. Je puisais dans mes forces les plus profondes. J’avais l’impression de courir un marathon, de sauter dans une piscine, nager un mille mètres et de ressortir pour finir par un cinq kilomètres à vélo. Et encore, je pense que ça aurait été plus agréable. Un. Deux. Trois. La porte de ma chambre s’est ouverte et ma mère – enfin, Mandy – s’est précipitée à l’intérieur. Merci le baby phone. William est apparu cinq secondes après, ils m’ont attrapé et m’ont foutu dans la baignoire sans que je comprenne ce qu’il m’arrivait. Ils m’ont aspergé d’eau froide. Libération. J’ai toussé comme si je venais de me fumer trois paquets de Gitanes bon marché. Je n’arrivais pas à calmer ma respiration. Le temps que mes parents me sèchent, me changent et me recouchent me paraissait arrêté. J’étais suspendu au bout du fil de l’éternité. J’étais un pantin qui attendait d’entrer en scène, qu’on manie les ficelles et qu’on lui fasse danser ce mensonge irréel. Ils sont retournés se coucher. Ils ne pouvaient rien faire d’autre, de toute façon. J’ai pensé à mes parents. J’ai pensé à ce jour où ils ont été appelés de l’autre côté. À l’enfer que j’ai vécu, le jour de l’accident. Mon frère et moi avions survécu. Je comprenais pas à l’époque. Je voulais pas comprendre. J’ai pensé à mon frère, qui était je ne sais pas trop où en ce moment même. Je voulais l’avoir près de moi. Je voulais le serrer dans mes bras. Nous sentir forts, unis. Prêts à affronter les malheurs passés, présents et futurs. Mais ce n’était pas possible. Ca ne l’était plus. Tant pis. Mes paupières ont craqué. Les larmes ont coulé. D’abord sans bruit, et j’ai cru pouvoir les contenir mais dès que j’ai voulu reprendre ça en main, c’est parti en couilles. Comme à chaque fois. Un, deux, trois. Mandy est revenue. Elle avait l’air triste. Elle s’est assise sur le bord de mon lit et m’a entouré de ses bras, avec toute la douceur et la tendresse qu’elle représentait. J’avais de la chance d’avoir une mère adoptive comme elle.

- Chhht. Ca va Kyan. Tout va bien. Il n’y a rien. Calme toi, bébé, calme toi.
- …
- Respire. Lentement.

J’essayais de me calmer comme je le pouvais. Elle m’a essuyé les yeux avec un mouchoir et m’en a donné un deuxième dans lequel je me suis mouché. Elle m’a embrassé la tempe.

- Voilà. Ca va mieux.

Je ne savais pas si c’était une question ou une simple affirmation. Je n’ai pas bronché. J’ai simplement fermé les yeux et j’ai attendu. Elle s’est allongée contre moi, le bras toujours autour de mon corps. Elle m’a chanté une berceuse qu’elle me chantait quand j’avais huit ans et que je faisais mes crises. J’ai continué d’attendre. Le sommeil est venu, et je l’ai laissé prendre possession de mon corps et de mon esprit, espérant que la nuit suivante serait meilleure.

“SECOND PART”
Il était couché sur le lit. J’ai attrapé mon appareil et ai tiré un cliché discrètement. Il a entendu le bruit émis par l’engin et s’est tourné vers moi.

- Encore ?
- Mais ouiiii, t’es trop mignon quand tu fais la sieste !
- Laisse moi dormir, plutôt.

Il s’est tourné et a tiré la couette au-dessus de sa tête. J’ai fait le tour, l’ai découvert et me suis approché pour prendre une photo de son visage en gros plan. Je me suis mordu la lèvre inférieure en regardant le résultat.

- Kyaaaan.
- Oui, gros bébé ?
- Laisse moi dormiiiiiir.
- T’es sûr que c’est ce que tu veux ?
- Hm...
- Moi j’ai une autre idée, Josh.
- Hm ?

J’avais déjà contourné le lit une seconde fois et posé mon appareil sur la commode sa chambre. Je me suis glissé sous la couette et ai enlacé sa taille.

- Hmhm, ai-je fait à son oreille.

J’ai attrapé son lobe et l’ai mordillé du bout des dents. Je l’ai entendu soupiré. Il s’est tourné après quelques secondes, le sourire aux lèvres. Il m’a embrassé. Explosion. J’ai souri contre sa bouche. Putain ce qu’on était bien.

Mais c'est du passé, tout ça. Les sentiments étaient là. Du moins, ils l'avaient été au début. Puis ils ont commencé à étouffer. Lentement, ils se sont consumés. On est tombé dans la routine, la lassitude. J'avais l'impression d'avoir fait le tour, sans doute que lui aussi. Ca s'est bien fini. On est resté amis, assez proches même. Mais ça s'arrête là. On a vécu des moments si beaux que je ne pourrais pas l'imaginer hors de ma vie.

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