Les états de l'enfance sont si pleins, si riches. L'enfance frémit. Elle est résolument du côté de la vie. Même les moment où il ne se passe rien sont peuplés de rêves, d'êtres imaginaires, de questionnements. Les vides n'existent pas. Pas encore. Les vides viendront plus tard, lorsque les vies commencent à se distendre, lorsque les joies et les douleurs se font moins violentes, moins excessives. Lorsqu'on comprend que malgré tout, on continue à vivre. Lorsqu'on commence à moins attendre.

Il y a des jours, des mois, des années qui marquent toute une vie. Qui sont encrés au fer rouge dans le coeur, la mémoire de quelqu'un. Pour la famille Austhe, ce fut sans aucun doute la naissance de leur petite fille blonde. Ils l’appelèrent Faith, ce qui signifie la foi, ce qui signifie leur croyance à Dieu, ce qui montrèrent leur appartenance à la religion. Puis son second prénom, son prénom principal, ce fut Syrine. Syrine car c'était le prénom de sa grand-mère, car celle-ci aurait bien voulue être encore vivante le jour de la naissance de sa petite fille. Une petite fille blonde très timide, qui avait dès l'enfance très peu de mal à s'affirmer. Peut-être immature ou subissant peut-être trop les critiques des autres élèves sur son côté très blonde. Un côté dont Syrine ne faisait pas toujours attention. Depuis toute petite, elle pouvait sortir des stupidités sans s'en rendre compte, trouvant cela intelligent pour elle. Alors, à force elle avait appris à subir les critiques, les rires de ses camarades. Même si certaines fois cela faisait trop mal, même si certaines fois elle ne supportait pas qu'on l'insulte de manière trop virulente. Alors, dans un coin, elle se mettait à pleurer, elle pleurait seule pour ne pas qu'on se moque d'elle, pour pouvoir être forte après. Du moins c'était ce qu'elle pensait.

Enfermée dans sa chambre, regardant le dessin animé Nemo, Syrine fit semblant de ne pas entendre le violent orage qu'il y avait dehors. Tout en regardant son dessin animé, elle mit la couverture sur elle, pensant qu'ainsi elle serait protégée. Puis d'un coup, la télé et la lumière s'éteignit, plongeant la jeune fille dans le noir. Ne comprenant pas tout de suite ce qu'il était en train de se passer, elle se leva d'un bond et courut dans le salon rejoindre ses parents. Bien qu'âgé de douze ans, Syrine restait quand même une enfant aux yeux de ses parents. Sa mère l'a prit dans ses bras, tout en lui disant de ne pas s'inquiéter et que le courant allait bientôt revenir. Assise sur le canapé du salon, aux côtés de sa mère, avec comme seule source de lumière quelques bougies, Syrine était pétrifiée. Ayant toujours sa couverture sur elle, elle la mit sur sa tête, afin de ne plus entendre le bruit de l'orage et de la tempête. Quelques minutes plus tard, son père rentra à la maison. Trempé, il ferma violemment la porte avant d'annoncer que la tempête n'était pas prête de se terminer et que l'orage avait causé quelques dégâts. Un arbre était tombé sur la route. D'un coup, dans l'esprit de la jeune enfant, des images apparurent et elle se mit à penser que la fin du monde approchait. Etant décidé à ne pas quitter sa mère, elle resta près d'elle, et se cacha dans sa couverture. A partir de cet instant là, une chose était sûr, Syrine avait peur de l'orage. Elle les redoutait.

« Tiens toi droite Syrine. Et souris au moins. » La jeune fille s'exécuta et arbora un jolie sourire. Entrant dans l'église, elle répondit poliment aux salutations des amis de ses parents. Des amis qui la connaissait depuis qu'elle était toute petite, mais dont elle, elle ne se souvenait pas. C'était cela qui était étrange avec l'enfance, que des centaines de personnes se rappelaient de vous, et de vos moindres faits et gestes, alors que vous, quand vous les revoyez vous vous sentez sur le coup incapable de savoir de qui il s'agissait. C'était comme un vide, comme si du passage de l'enfance à l'adolescence il y avait un passage, un passage qui remettait les compteurs, les neurones à zéro. C'était assez étrange. Assise aux côtés de ses parents sur un banc de l'église, la jeune fille écouta attentivement le discours du pasteur. Elle essaya de ne pas s'endormir, et essaya tant bien que de mal de ne pas interrompre son discours en posant des questions. Il paraissait que ceci n'était pas autorisé et que cela était assez malpoli. Du moins, c'était ce que lui avait dit ses parents. Alors, elle leur obéissait et écoutait sagement le pasteur. Et elle chantait de sa petite voix, et elle avait hâte que cela se termine, mais elle ne le faisait pas savoir.

"On se dit tous qu'on sera heureux, que la vie sera super, qu'on aura la voiture de nos rêves, un bon emploi, qu'on se mariera avec quelqu'un de merveilleux... Mais le bonheur c'est une pensée, c'est un état d'esprit, rien de concret que l'on possède, c'est comme être fatigué ou en colère... Ce n'est pas permanent. Ça va, ça vient, c'est comme ça. Je crois que si les gens abordaient la question de cette façon, ils rencontreraient le bonheur beaucoup plus souvent.

A seize ans c'est la belle vie. A seize ans c'est l’adolescence. A seize ans les jeunes faisaient de nouvelles rencontres. Ils apprenait en à découvrir la vie, ou du moins ils apprenaient à la redécouvrir sous un jour nouveau. Ce qui était en effet le cas de certains adolescents. Pas tous. Pas Syrine. Ses parents ne voulaient pas qu'elle sorte  le soir, et il ne voyait pas l'intérêt qu'elle fasse des sorties avec des garçons. C'était leur côté protecteur, peut-être trop. C'était leur milieu conservateur. C'était leur façon de voir l'adolescence. Pourtant, cela ne dérangeait pas Syrine. Certes, quelquefois elle avait essayé de contredire leur autorité, sauf que cela ne se finissait jamais bien. Alors, elle prenait sur elle, elle essayait d'inventer des excuses lorsque des camarades l'invitaient. Mais, très vite elle délaissa le mensonge, sachant que ce n'était pas une bonne chose, sachant que peut-être Dieu pouvait la punir pour ce pêché.

« Et toi Syrine c'est quand que t'as un copain ? » Incrédule, la jeune blonde regarda son amie avec un visage surpris, ne sachant quoi répondre, ne sachant quelle était la meilleure réponse. Après quelques minutes de silence, elle finit par dire, tout naturellement : « Je n'en ai pas besoin pour l'instant. » Son amie la regarda, puis avec un rire moqueur, lui répliqua : « Dis moi pas que t'attends de trouver le bon ? Que tu attends le mariage pour faire.. tu sais quoi ? » Syrine eut un sourire, avant d’acquiescer de la tête. « Bien sûr que si, pourquoi ? » Son amie se mit à rire. « Pour rien. » Il était évident que ce n'était pas pour rien, il était évident qu'elle trouvait cela stupide. Sur le coup, Syrine ne comprit pas. Pour elle c'était tout à fait normal d'attendre le bon mec, c'était tout à fait normal à ses yeux d'être encore vierge à dix neuf ans, et elle trouvait encore plus normal de ne pas fumer. D'ailleurs, la jeune blonde détestait l'odeur du tabac, même si elle n'en avait jamais fumé, rien que de sentir l'odeur, cela la dégoûtait. Et pour ce qui était du cannabis, elle trouvait que cela était mal. C'était ainsi qu'avait été élevé la jeune blonde, c'était ainsi qu'elle voyait le monde ; et ça bien qu'elle passait pour une fille naïve, blonde, pudique et ne profitant pas de sa jeunesse.

Si seulement je pouvais m'arrêter de penser, ça irait déjà mieux. Les pensées, c'est ce qu'il y a de plus fade. Plus fade encore que de la chair. Ça s'étire à n'en plus finir et ça laisse un drôle de goût. Et puis il y a les mots, au-dedans des pensées, les mots inachevés, les ébauches de phrases qui reviennent tout le temps...

Marchant dans la rue, Syrine fut abordé par un jeune inconnu. Pendant quelques instants elle ne savait pas s'il fallait mieux qu'elle parte en courant ou alors s'il fallait qu'elle poursuive la discussion avec ce jeune inconnu. Finalement, la jeune blonde opta pour la seconde option. Un choix qu'elle allait sûrement regretter. Le lendemain après midi, Syrine revit cet inconnu, au même endroit. Il s'appelait Clément et il avait trois ans de moins qu'elle. Il n'avait que seize ans et pourtant il semblait avoir une plus grande connaissance de la vie qu'elle. Naïve, la jeune blonde n'hésita pas à lui passer son numéro. Elle le trouvait fort sympathique, puis peut-être que finalement elle s'était attaché à lui. Au bout de quelques mois, Syrine voyait toujours Clément, elle passait quelquefois des après-midis avec lui sans que ses parents ne le sache. Ce qui donc l'obligé à mentir. Des mensonges qu'elle n'assumait pas. C'était pour cela qu'elle se rendait à chaque fois à l'église afin de se confesser afin de ne pas avoir un  quelqueconque pêché sur la conscience. Il était évident que le jeune homme voulait la voir le soir, lui il voulait passer des soirées aux côtés de Syrine. Des soirées auxquelles n'avaient pas encore le droit Syrine. Pas tant que c'étaient ses parents qui décidaient à sa place. Pas tant qu'elle habitait avec eux. D'ailleurs, la jeune blonde ne comprenait pas souvent les avances du jeune homme. Quelquefois, elle s'éloignait lorsqu'elle voyait qu'il s'approchait d'elle, et qu'il essayait de prendre sa main. Par messages c'était d'ailleurs pire, Syrine ne comprenait pas un mot à ce que lui disait Clément. Ni même aux avances qu'il pouvait lui faire le soir. Un soir, Syrine ne comprenant toujours pas les avance du jeune homme, celui-ci s'énerva. Du moins, c'était ce qu'avait compris la jeune blonde. Touchée par les phrases virulentes de Clément, la jeune blonde se promit de ne plus parler à Clément. Finalement, celui-ci lui faisait peur. Finalement, il était trop bizarre à ses yeux. Finalement elle n'était pas prête.

L'amitié résiste mal au temps qui passe. Ce n'est pas une révélation. Ma mère m'a dit un jour qu'une bonne famille, c'était celle qu'on quittait facilement, parce que c'est le but des enfants: partir vivre leur vie. Je me suis souvent demandé si c'était pareil pour l'amitié. Car entre nous, ce n'est pas ça du tout. Nous ne savons pas nous quitter. Et je suis encore pire que les autres. Je reste plantée là, à me cacher les yeux pour ne pas voir les autres qui s'en vont, en attendant qu'on soit de nouveau réunies.

Syrine avait beau avoir vingt ans, il lui arrivait encore d'aller à la messe avec ses parents. Le dimanche matin elle les retrouvait là bas, afin que comme quand elle était enfant, ils partagent un moment en famille. Cela faisait à peine un an que la jeune blonde avait quitté la maison familiale à Sparks, pour habiter dans un appartement à quelques rues plus loin. Toujours dans le quartier des Sparks. Et cela bien que le loyer était cher, et qu'elle avait ses études en plus à côté. Heureusement ses parents étaient là, financièrement parlant. Pour eux, Syrine était toujours un peu leur petite fille, c'était leur unique enfant, alors pour eux c'était normal d'être toujours là pour elle. Même s'ils trouvaient que quelquefois celle-ci n'était peut-être pas assez indépendante et qu'elle devait prendre un peu plus son envol. C'est à dire qu'elle ne devait pas toujours compter sur eux. Une chose que peut-être Syrine ne comprenait pas, du moins elle préféré penser que cela était faux, car à ses yeux c'étaient presque comme perdre ses parents ; et cela était sûrement une chose qui lui faisait peur, une chose certes mirobolante, mais qu'elle redoutait au plus profond d'elle.

Avec un sourire quelque peu timide, Syrine alla s'installer sur le banc, devant, comme d'habitude, comme à chaque fois. Depuis qu'elle était enfant, la famille Austhe était devenue une habituée de l'église, ils faisaient partie de ceux qui pouvaient ramener un panier de muffins juste pour montrer leur attachement envers cette église. Assise juste à côté d'une jeune fille blonde, Syrine ne fit pas grandement attention qui était la personne. Pourtant à la fin de la messe, lorsqu'elle la vit, elle ne put s'empêcher de dire à sa mère que c'était Judith Montgomery, accompagné de ses parents. Une lueur de fierté brilla dans ses yeux. Tout le monde connaissait la famille Montgomery à Brighton, et c'était la première fois que Syrine s'était assise à côté d'eux. Suivant ses parents, elle resta discrète, étant toujours timide avec les gens qu'elle ne connaissait pas. La famille Austhe invita la famille Montgomery à dîner à la maison. Ce qui pouvait semblé être quelque chose d'anodin, mais qui ne l'était pas.

Syrine avait beau avoir vingt ans, quelque fois il lui arrivait de réagir comme une adolescente. Pendant tout le repas du soir, elle ne parla pas, elle ne s'incrusta pas dans les conversations entre ses parents et la famille Montgomery, et elle répondait poliment lorsqu'une question lui était posée. Après quelques heures elle se mit enfin à parler avec Judith. Bien que celle-ci avait six ans de moins qu'elle, elle semblait dotée d'une certaine maturité. Instinctivement le courant passa bien entre les deux blondes. Syrine se comporta directement comme une grande soeur envers Judith. Même si celle-ci ne devait pas l'apercevoir. Même si celle-ci devait sûrement s'en moquer. Mais pour Syrine, une chose était sûre, c'est que jamais elle n'allais abandonner Judith. Et en effet, deux ans après, les deux jeunes filles continuèrent de se parler. Syrine espérait toujours que Judith devienne un jour sa petite soeur, quoique quelquefois cela pouvait être l'inverse. C'était en tout cas ce que l'on pouvait se demander.

Mais je crois avoir compris que personne, jamais, ne pourra me consoler. On devrait peut-être apprendre aux enfants qu'on reste à jamais inconsolable. Que ça ne sert à rien de chercher ça. Que ça n'existe pas. Que c'est un rêve qui n'existe pas.

Deux ans après. Syrine avait à présent vingt deux ans. Elle était à présent étudiante en hôtellerie, des études qu'elle faisait seulement pour ses parents. Elle avait du mal quelquefois, pourtant elle continuait de s'accrocher, du moins elle essayait, car c'était ce qui restait à faire. Seulement, elle, elle aurait voulu être princesse ou chanteuse. Ressembler à Britney Spears. Avoir son succès. Être aussi jolie qu'elle. En effet, Syrine idôlatrait beaucoup Britney Spears et cela depuis qu'elle était enfant, depuis qu'elle était tombé sur un de ses clips à la télévision. Alors elle s'était mise à danser, chanter et s'était prise d'affection pour cette célébrité. La jeune blonde avait suivit toutes les aventures de sa Bri-Bri et elle s'énervait dès que quelqu'un disait du mal d'elle. Elle était fan, c'était aussi simple que cela. Et à Brighton, Syrine ne le cachait pas.

Mais, il y avait certaines choses que cachait Syrine. Des choses qu'elle voudrait ne jamais voir dévoiler, qu'elle espérait que personne, ni même la Gossip ne soit au courant. Cela concernait une période de sa vie, une période qu'elle aimerait bien mettre aux oubliettes, qu'elle aimerait bien effacer de sa mémoire et tout simplement de sa vie. C'était il y a cinq ans. Cinq ans déjà qu'elle avait repris un cadre de vie normal, du moins c'était ce que l'on pouvait appeler normal. Il y avait cinq ans elle avait mis fin à son début d'anorexie. Une maladie qui avait commencé lorsqu'elle n'avait que dix-sept ans. Seulement, grâce à ses parents elle avait réussi à s'en sortir. Ils avait su trouver les bons mots, ils avait su lui dire que Dieu ne serait pas très content de la voir dans cet état. Puis cela n'avait été que le début, elle n'avait pas été atteinte d'une grave anorexie. Heureusement. Pourtant cela avait commencé seulement car elle entendait les critiques que les autres adolescents faisaient sur les autres, et elle, elle s'était dit que jamais elle ne subirait ce genre de critique, et qu'ainsi elle ferait tout pour ne jamais les entendre. Alors, elle s'était privée de manger, jusqu'à ce que son ventre crie famine, jusqu'à ce que ses parents s'en aperçoive. Tandis qu'elle se remettait, Syrine priait chaque jour, elle priait sans savoir quoi souhaiter, car tout se mélangeait dans sa tête, car elle avait fait quelque chose de stupide. Mais, à présent, à vingt-deux ans, la jeune blonde s'en était remise. Toutefois ce souvenir, ce moment la hantait, et elle ne voulait pas retomber dans cette sphère, bien qu'elle se persuadait que cela n'arriverait jamais. Personne n'était au courant, personne ne le saurait. Jamais. Bien que à Brighton cela était sûrement commun.